"C'était un soir, estival et aride, comme il est courant d'en rencontrer en Outreterre. Etendue à même le sol, je contemplais les cieux flamboyants, dont les rayons colorés s'enchevêtraient dans la voute céleste. L'éther panaché contrastait avec les faisceaux lunaires, pâles et mornes, qui rayaient l'atmosphère en traits à peine esquissés.
Cependant, un profond vertige s'empara de moi, me tirant de mes profondes rêveries. Félicité, torpeur, malaise, je ne saurais dire lequel correspondait le mieux à mon mal. Peut-être aucun. Peut-être les trois.
Malgré ma léthargie naissante, je me redressai et scrutai les environs. Rien, à part quelques arbres aux racines noueuses et asséchées. Pourtant, je ne pus me résoudre à me rallonger; car l'inquiétude montait en moi. En effet, ce mal me tourmentait depuis déja quelques temps, mais il me fallait trouver son auteur avant que ce dernier n'ait raison de moi.
La peur au ventre, je me précipitai comme un forcené à la recherche d'un nuisible que je ne pouvais voir. La Felmagie aveuglait mes sens, torturait mon âme, lancinait mon corps meurtri...
Puis, je le vis, dissimulé derrière des végétations luxuriantes. Un visage fin, tout juste adolescent, une chevelure d'un blond ambré, les lignes de sa morphologie adhérant parfaitement à l'idée qu'on pouvait se faire de l'élégance... c'était probablement le plus bel elfe qu'il me fut permis de me voir dans ma vie, pourtant bien remplie.
Sa silhouette, vêtue d'une fastueuse robe de soie écarlate, dont le col était surmonté d'un jabot de dentelle finement ciselée; ondulait au rythme irrégulier du vent insouciant. Il ouvrit soudainement ses yeux, et je plongeai dans son regard, d'un vert émeraude d'une radiance singulière. Je me noyai ainsi dans les profondeurs abyssales de ses prunelles envoûtantes, lorsque je compris que je succombais à son arme la plus fatale. En effet, j'avançais, sous l'effet du maléfice, vers le bord d'un précipice; mortel à quiconque s'en jetterait. Je m'approchais inexorablement, dangeureusement, des bras de la mort qui voulaient me serrer à jamais dans ses bras. Pourtant, dans un regain de lucidité, je parvint à m'arracher de l'envoûtement du jeune elfe, et je me ruai sur lui afin d'interrompre ses incantations démoniaques. Un duel épique s'engagea, mais nous étions d'habilité semblable; et aucun d'entre nous ne souhaitait abdiquer face à l'autre.
Cependant, il ne put résister face à ma volonté de vivre, et je sortis vainqueur de l'affrontement. Sa gorge était à portée de ma lame, il m'aurait été aisé de la lui trancher; mais je ne le fis pas. Il m'est difficile de savoir si c'était son regard implorant, lui qui n'était encore qu'un garçon; ou si c'était ma nature pacifique qui retenait mon bras, mais je lui épargnai la vie. Puis il fuit, et jamais plus je ne le revis."
La vieille Draenei, désormais usée par le temps, se releva fébrilement et comtempla son auditoire. Les trois enfants, assis à même le sol, la comptemplaient de leurs yeux ébahis. Puis l'un d'eux prit la parole :
" Et qu'est-il advenu de lui? demanda t-il.
- Oh, bien que je n'eut plus affaire à ce sorcier par la suite, je me suis souvent questionnée sur le sort que j'ai réservé à cet elfe. En effet, peut-être que si je l'avais achevé; vos parents, qui furent tués de sa main, seraient encore ici, jouissant des plaisirs éphémères de la vie en votre compagnie. En effet, comme vous avez pu le deviner; ce malfaisant charmeur n'est autre que le sinistre démoniste Alitheïa; avant qu'il ne soit plongé à jamais dans la perversité et la corruption que lui offrirent la magie démoniaque. Si j'avais eut ce jour-la le cran d'occire de vil mécréant, maints innocents n'auraient perdus la vie, succombant à ses charmes maléfiques.
Trève de paroles, il est temps pour moi de vous laisser. J'espère ardemment avoir le plaisir de vous revoir prochainement."
Les trois polissons ne rechignèrent pas lorsque la vieillarde s'éloigna d'eux, probablement trop hébétés par ce qu'ils venaient d'entendre pour rétorquer quoi que ce soit.